20110408

La maladie

La maladie, c'est en mon centre qu'elle explose. En éclats rouges et
violents elle perce les muqueuses, fait des organes des plaies. Ma maladie
je ne peux pas te la montrer, mais je la couve.

Elle me prend dans les trains qui vont vite parce qu'ils nous font,
soi-disant, gagner de l'argent. Ils partent les trains, 10 départs par jour,
toutes les petites cases sont remplies, tous les petits fauteuils, écrasés
contre ces vitres absurdes qui ne peuvent pas s'ouvrir, ils partent de la
gare, où il faut arriver en avance, où il faut montrer son billet, où il faut
montrer un cul torché, un esprit vierge.
Elle me prend le corps, dans les métros où s'exhibent devant l'indifférence
la misère et les cloportes, aux odeurs d'alcool aux doigts brûlés. Ils sont
là, enivrés et puants, bêtes et vulgaires, et pourtant en pleine santé. Ce
sont eux, ceux que les pompiers ne veulent pas soigner, soi-disant qu'ils
ne sont pas malades alors qu'ils ont de la diarrhée jusqu’aux chevilles
(quand les autres sont malades et risquent de contaminer tout le monde
dès qu'ils toussotent), ce sont eux qui sont sauvés, qui échapperont au
compte des corps, le body count des corps vivants, des corps soumis,
des corps qui valent de l'argent, qui en gagnant du temps gagnent du
flouze, sauf que c'est pas pour eux ! Ah les cons, ils croyaient gagner la
loterie en payant 75 euros pour prendre le tgv ! Ils sont sauvés, les corps
puants dont on ne veut pas, ces corps immobiles hors du mouvement,
qui ne feront jamais gagner de fric, qu'on ne peut même pas compter,
puisqu'ils n'ont pas de puce électronique sur eux, ils sont sauvés par notre
indifférence et par leur maladie répugnante ; ils sont libres de droits et de
devoirs ; ils nous regardent, ils me regardent, et ma maladie grandit.
Je ne suis pas la seule à me sentir comme une bête, avec cette maladie
que 5 fruits et 5 légumes par jour ne feront jamais taire, notre corps est
dans le mouvement, mais nous le tuons à coup d'alcool, de drogue ou
d'angoisse. Nous tentons de nous sauver, non?, ou alors nous sommes
morts d'avance de ne pas avoir réussi à quitter le circuit des beaux
sauvages, ces civilisés luisants de connerie et d'argent sale.

La quarantaine des malades et le comptage des corps, c'est la
chansonnette du pouvoir.
Mais Cendrars nous le disait au tout début de Moravagine, la maladie c'est
notre santé, parce qu'elle prouve que nous sommes vivants.

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