20150629

Maintenant que je ne cours plus dans le souvenir chaque fois que je sens Buenos Aires (je dis sentir parce que, même en y habitant, on est pas toujours dans la ville, dans la conscience de la ville), je trouve cette ville triste. Grise, lourde, alors même qu'elle est beaucoup plus aérée que les villes européennes, mais c'est peut-être le climat: l'humidité qui ralentit les corps, et le climat politique, idéaux révolutionnaires sur le déclin après un mou regain, et envie matérielle - ils courent, ils courent, les Argentins, ceux qui votent en tout cas, je veux dire ceux qui ont des droits, derrière le confort du Premier Monde, celui-là même qui s'effondre sous son propre poids, ils courent sans jamais l'atteindre. Cette consommation triste, voilà qui enlaidit la ville.
Quand on croise dans le bus ou le métro, les gens chargés de sacs à leur sortie d'un mall, ils ont l'air accablés par la facture, pas du tout jouasses de tout ce qu'ils ont acheté. Acheter ce n'est pas encore acquérir, c'est toujours payer. Et pour ceux que les chiffres n'inquiètent pas, ceux qui repartent du mall en taxi ou en voiture, c'est se vouer à une accumulation perpétuelle dans une maison hyper surveillée ("protégée") qui ne finira jamais par ressembler à celles (qu'ils imaginent) en Europe ou aux Etats-Unis, qui ne leur donnera pas accès à cette qualité de vie, aussi parce qu'ils sont isolés, condamnés à vivre dans des maisons entourées de barbelés.
Ils courent, gainés de tissu élastiques, chaussés de running fluorescentes, plus ou moins minces selon leur classe sociale et leur entraîneur personnel... ils y sont presque mais il y a tout un pays à changer autour d'eux pour que l'illusion de vivre dans les séries qu'ils regardent soit parfaite.
En Europe, on trouverait les séries américaines néfastes à cause de la violence qu'on y voit. Ici, c'est le confort matériel qu'elles exposent qui fait violence.

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